Certaines avancées technologiques peuvent créer de vraie révolution dans la prise en charge des malades. C’est le cas avec l’avènement du contrôle glycémique continu pour les patients DT1 et DT2 sous insulinothérapie. On parle de CGM pour « Continuous Glucose Monitoring ».

Globalement, le système de mesure du glucose en continu est un outil de diagnostic destiné aux médecins et permettant de suivre l’évolution du taux de glucose dans le tissu sous-cutané chez les diabétiques. C’est également un outil de suivi pour le patient lui permettant de connaitre sa situation glycémique en continu sans être obligé de se piquer le doigt. Comme nous l’avons vu dans une précédente brève, ce dispositif permet d’identifier les fluctuations anormales de la glycémie, qui passent souvent inaperçues avec les tests standard de dosage de l’HbA1c et glycémies capillaires. La mesure du glucose en continu est a été développé dans un premier temps, pour les patients DT1 qui utilisent des pompes à insuline. Avec l’avènement des nouveaux capteurs de glycémie en continu, tous les patients sous insuline peuvent y avoir accès.

Le symposium organisé par Abbott sur l’intérêt du FreeStyle Libre a fait salle(s) comble(s). Les différents orateurs se sont succédés pour vanter les mérites de ce nouveau dispositif de mesure et pour discuter de l’impact que cela a sur l’organisation même de leur consultation et sur les changements que cela entraine sur la relation médecin/malade. Sachant que ces capteurs analysent la glycémie en continu, ce sont des quantités énormes de données qui peuvent être colligées par les chercheurs, notamment les épidémiologistes pour effectuer des études. Bienvenu dans l’aire de la Big Data avec des données qui transitent par internet avec tous les risques potentiels que cela représente.

Le FreeStyle Libre est un dispositif d’autosurveillance du glucose qui a ce jour n’est pas remboursé. Il mesure la glycémie à partir du liquide interstitiel chez les personnes de plus de 4 ans atteintes de diabète sucré. En effet, le glucose diffuse du sang capillaire vers le liquide interstitiel. C’est dans ce liquide interstitiel qu’est mesuré le taux de sucre avec le capteur.

Le capteur est placé au niveau du bras (et non pas au niveau abdominal, car les résultats sont moins précis) pour une durée de 14 jours. Il dispose d’une mémoire de 8h permettant de surveiller sa glycémie durant la nuit. Il peut être porté sous la douche. Immersion maximale à 1 mètre pendant moins de 30 minutes. Le capteur ne pose pas de problème pour l’activité physique ni pour les voyages. Par contre, il sera retiré si examen d’imagerie médical à fort rayonnement.

3% des patients font une allergie. Si pas d’amélioration, le système sera abandonné.

Durant le premier jour, la précision du capteur n’est pas aussi bonne que les 13 autres jours. L’astuce réside en l’installation du capteur suivant au 13ème jour sur l’autre bras sans l’activer afin d’être pleinement efficace lors de son activation au 14ème jour.

L’utilisation de ce dispositif n’empêche pas, de temps en temps, d’effectuer une glycémie classique sur sang capillaire notamment au moment de fluctuations rapides de la glycémie.

Une fois installé, le capteur fonctionne après 60 minutes. Il suffit de passer son lecteur ou bien son smartphone (hors iPhone et S7) devant le capteur pour obtenir sa glycémie. L’écran indique le taux de glucose actuel, une flèche de tendance et l’historique du taux de glucose sur les 8 dernières heures. Le patient peut ajouter des commentaires pour expliquer certaines fluctuations. Les historiques sont visibles sur le lecteur jusqu’à 90 jours et ils sont également disponibles via le logiciel FreeStyle Libre. Les données obtenues, les historiques peuvent être téléchargés et transmis à son médecin en amont d’une consultation.

A noter, que les conjoints sont très contents du système car celui-ci ne fait pas de bruit contrairement à d’autres systèmes qui contiennent une alarme. Revers de la médaille, le FreeStyle Libre ne contient pas de système d’alarme.

Deux grandes études ont validés l’utilisation de ce dispositif, l’étude IMPACT dans le DT1 et l’étude REPLACE dans le DT2 mal équilibré. Dans les deux études, FreeStyle libre a permis d’améliorer significativement, le temps passé en hypoglycémie. Dans l’étude IMPACT, la fréquence moyenne de scans par les pts est de 14 fois/j. Elle est de 8/j dans l’étude REPLACE.

Il existe une corrélation entre la fréquence des scans, la baisse de l’HbA1C et le temps passé en hypo ou hyperglycémie.

Depuis quelques années, les diabétologues considèrent l’HbA1c comme un critère de mesure assez grossier malgré son utilité, avec beaucoup d’inconvénients et notamment celui de ne pas prendre en compte les hypoglycémies. Désormais, ils utilisent de plus en plus des critères combinés et en particulier le temps passé dans la cible (TIR : Time in Range). Il s’agit là d’une avancée permise par l’avènement des dispositifs de CGM. Le TIR permet d’avoir une vision globale de l’équilibre glycémique. Reste à fixer les bornes de la cible et à définir le % qui sera efficace pour estimer l’équilibre glycémique du patient.

Des recommandations vont être publiées très prochainement avec des bornes fixées entre 70 mg/dL et 180 mg/dL et un objectif à atteindre > 60% du temps. Il faudra également que le taux d’hypoglycémie soit < 10%.

A terme, le TIR deviendra une référence dans le cadre des systèmes CGM.

On comprend rapidement que l’avènement de ce dispositif permet de faire bouger les lignes. On peut réfléchir à la télésurveillance dans le cadre de la télémédecine. Il impose par contre, un processus de formation tant pour le professionnel que pour le patient. Ainsi un groupe d’expert a rédigé un consensus sur l’éducation à l’utilisation et à l’interprétation de la mesure en continu du glucose. En effet, de nombreuses discussions ont lieu autour de l’interprétation des flèches de tendance et des réactions plus ou moins propices des patients. De même pour la gestion des hypoglycémies.

Ainsi des services de diabétologie repensent l’organisation de la consultation notamment pour l’instauration du dispositif avec pour certains un temps infirmier. Nécessité d’organiser des ateliers en groupe pour prendre en main le dispositif et apprendre la conduite à tenir. De même, l’utilisation des données en consultation. Prévoir avec le patient, l’envoi des données en amont et certains diabétologues demandent à leurs patients une analyse des résultats permettant ainsi d’ouvrir la discussion pendant la consultation.

Comme vous le voyez, les systèmes de CGM révolutionnent la prise en charge des diabétiques sous insuline. Elle modifie quelque peu le rapport entre les acteurs. Vous comprenez pourquoi la question du remboursement est si sensible. Cependant, en tant que pharmacien, il me semble inconcevable de ne pas être dans la boucle quant à ce nouveau système. Nous le constatons déjà aujourd’hui au comptoir, avec des patients qui utilisent le système, pour lequel nous ne pouvons apporter aucune valeur ajoutée alors qu’en parallèle, nous délivrons l’insuline. N’y a-t-il pas un paradoxe…

JS

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