Regards de pharmacien d’officine français sur le congrès mondial des soins de support

Chères consoeurs et confrères, après une pause « covidienne » un peu longue, la valse des congrès riches en échanges et en enseignements a repris ses droits : le congrès mondial de soins de support en oncologie de la MASCC s’est tenu à Toronto (Canada) du 23 au 25 juin 2022.

Démarré en mode diesel avec une légitime déception du fait de la faible affluence et de la participation en visioconférence de certains orateurs, le congrès est monté en puissance pour finir en apothéose (cf. les interventions sur la balance bénéfice/risque sans spoiler le sujet).

Bien peu probable que nous soyons au prochain congrès de la MASCC 2023 qui se tiendra du 22 au 24 juin  à Nara (Japon) du fait des contingences logistiques ; nous pourrons par contre vous faire un retour complet sur celui de la MASCC 2024 qui se tiendra à Paris.

A très bientôt pour le congrès européen du cancer ESMO 2022 du 9 au 13 septembre à Paris.

Jérôme sicard & fabrice veron en direct de TORONTO.

 

Buprénorphine et douleur cancéreuse ou non ?

Envisager la buprénorphine comme premier choix d’antalgique pour la douleur moyenne à sévère relève de la gageure étant qu’elle n’est indiquée en France, au Canada comme aux Etats-Unis qu’exclusivement dans le sevrage aux stupéfiants et autres morphiniques et pourtant…c’est cela que démontre nos experts à la MASCC 2022 à TORONTO.

Bref appel sur la buprénorphine : molécule lipophile complexe en tant qu’alcaloïde du  pavot, Papaver somniferum, composé de multiples centres chiraux, d’un squelette morphinique et d’un groupement unique cyclopropylméthyl. Elle se fixe sur 4 récepteurs : mu (fort affinité), delta et kappa (antagoniste, forte affinité) et « opiod réceptor like 1 » (ORL 1 ; agoniste, faible affinité).

Considérée à tort manifestement comme un agoniste faiblement efficace, ou agoniste partiel, les effets indésirables sont assez rapidement plafonnés que cela soient l’effet délétère sur la dépression respiratoire, l’euphorie et surtout moins de rique d’overdose.

Elle va se fixer sur une grande partie des récepteurs aux opïoides mu ; se fixant au niveau présynaptique sur les récepteurs G,  provoque une phosphorylation qui va entrainer l’effet analgésique (en agissant sur AMPcyclique intracellulaire, les canaux ioniques, l’adenylcyclase, les sous-unités de la protéine G ; et en activant la voie β-arrestine à l’instar de la plupart des opïodides).

Sa biodisponibilité est optimale par la voie transdermique, sublinguale, transmuqueuse (1/2 vie = 24-24h), mais sujet à interaction via son action inductrice/inhibitrice sur le CYP450.

En résumé, 12 raisons de préférer la buprénorphine aux autres opïodes dans la douleur cancéreuse :

  • Efficace sur la douleur cancéreuse.
  • Efficace sur la douleur neuropathique.
  • Traite une plus large palette de douleurs en étant mieux tolérée.
  • Moins constipante, n’affecte pas le sphincter d’Oddi.
  • Effet plafonné sur la dépression respiratoire.
  • Provoque moins d’effet délétère cognitif que les autres opïodes.
  • Non immunosuppresseuse.
  • N’affecte pas l’zwe hypothalamo-hypophysaire-surrénalien, ni ne provoque d’hypogonadisme.
  • N’allonge pas significativement l’intervalle QT, pas de mort subite.
  • Efficace et bien tolérée chez les personnes âgées.
  • Opïode le plus sécurisé pour les insuffisants rénaux ou en dialyse.
  • Moins de syndrome de sevrage, moins de dépendance.

 

NB : Présentation buprénoprhine/naloxone Comprimés transmuqueux 5,7mg/1,4mg zubsolv  Comprimés  sublingaux 8mg/2mg suboxone Film  8mg/2mg suboxone  Administration en paliers : pour trouver la dose antalgique : 2-4MG toutes les 2h, max 8Mg Jour 1 ;  2-4mg toutes les 2h, 16mg Jour 2. Indications en France comme au Canada ou aux Etats-Unis:  Ce médicament contient une substance proche de la morphine. Chez le toxicomane à l’héroïne ou aux autres opiacés, il permet de supprimer les symptômes du manque qui surviennent lors de la privation de drogue, et qui sont en grande partie à l’origine de la dépendance. Il est utilisé chez les toxicomanes comme produit de substitution aux opiacés. Sa prescription complète une prise en charge médicale, sociale et psychologique, indispensable pour limiter le risque de rechute.

D’après la conférence MASCC 2022 TORONTO : Consider Buprenorphine Based on Clinical Utility and Safety, Amy Case, MD, FAAHPM , Roswell Park Comprehensive Cancer Center, USA

 

Neutropénie fébrile, exemples d’accès aux biosimilaires ; enjeux et comparaison France Canada

L’opportunité d’une conférence à la MASCC 2022 Toronto sur les facteurs de croissances cellulaires et les biosimilaires dans le cadre des neutropénies fébriles est parfaite pour faire le point sur la situation de la France par rapport aux autres pays européens et canadiens sur ce sujet.

En effet, l’enjeu des biosimilaires se révèle extrêmement important en terme d’accès aux thérapies innovantes à moindre coût, de place du pharmacien dans le droit de substitution notamment dans les GSF, véritables boosters des leucocytes pour traiter et prévenir les neutropénies fébriles, effet secondaire fréquent des chimiothérapies.

Bref rappel sur le biosmilaire : il est très similaire mais pas identique comme peut l’être le générique d’un princeps : similaire car c’est une copie d’un produit innovant, développé à l’échéance du brevet, dont les données d’AMM sont plus réduites que celle du princeps. Le biosimilaire aura des différences de structure, de process de fabrication, d’approbation ; les autorités lui reconnaissent une équivalence pharmaceutique et thérapeutique et surtout son interchangeabilité. De poids moléculaires comparés, l’aspirine pesant 180 daltons, l’insuline 32 fois plus (5808 daltons), l’érythropoïétine 170 fois plus (30 400 daltons), l’anticorps monoclonal IgG1 830 fois plus (150 000 daltons). Le process de fabrication nécessite de modifier l’ADN d’une cellule pour qu’elle produise une protéine souhaitée dans un bioréacteur.

Etant donné leur nature, les produits biologiques peuvent entrainer une immuno-génicité non souhaitée (formation d’anticorps anti-médicaments avec une possible baisse d’efficacité et d’augmentation des effets secondaires ; dont il faut tenir compte.

Notion de substitution : La substitution selon l’approche canadienne : soit sur la base d’une même dénomination commune (même structure chimique, sels différents avec dose équivalente élémentaire), soit par une DCI différente en fonction du portrait clinique du patient dite substitution thérapeutique.

Cette substitution thérapeutique peut être envisagée, décidée en cas de rupture d’approvisionnement ou d’arrêt de commercialisation, pour un problème d’administration, un souci de sécurité sans possibilité de joindre le prescripteur, en cas d’indisponibilité dans l’établissement de soin (en absence de la mention en toutes lettres « non substituable » du prescripteur ; en l’absence de deux échecs thérapeutiques du patient sous biosimilaires). Elle  s’accompagne au Canada d’une responsabilité du suivi de l’état de santé du patient en terme de condition physique et mentale, de suivi biologique (prescription  et analyse de laboratoires sont possibles pour le pharmacien canadien, ajuster l’ordonnance par rapport au ratio objectif/tolérance et expliquer le bon usage.

La comparaison sur la pénétration du marché par les biosimilaires amène une certaine comparaison avec celle des génériques dans d’autres pays notamment les Etats-Unis (à prix très élevé, à forte pénétration du générique, avec quelques années d’avance sur le marché français).

Au Canada, l’approche semble volontariste et programmée pour un développement rapide sur la base d’une liste de biosimilaires bien plus large comparée à celle (2 molécules : filgrastim et le pegfilgrastim !) contenue dans l’arrêté du 14 avril 2022 du Journal Officiel ; d’où la perplexité des pharmaciens étant donné le nombre d’articles lus depuis des mois sur les enjeux médico-économiques de cette substitution.

L’élargissement de cette liste semble vraisemblablement inéluctable afin de conserver l’équilibre fragile entre molécules innovantes et capacité financière à les prendre en charge collectivement. Les conférences qui se succèdent à l’ASCO, l’ESMO ou à la MASCC démontrent l’approbation sur ce sujet de la communauté des oncologues et des équipes de soins de support en cancérologie.

D’après une conférence De Toronto, congrès MASCC, juin 2022 : New and Emerging Agents on Outcomes of Febrile Neutropenia: Addressing Clinical Gaps , Jeffrey Crawford, MDM, Member of ASCO, IASLC, ESMO, MASCC, USA

Jérôme sicard & fabrice véron

Brève MASCC 2022 TORONTO

 

Jeûne intermittent, impact positif sur le sommeil, la masse et surtout la fatigue : pourquoi pas une piste ?

Une étude prospective interventionnelle a étudié sur 39 patients (36 femmes, dont 35 en cancer du sein) l’impact que pourrait avoir un jeûne intermittent de 14h sur des critères centraux de qualité de vie : le sommeil, la masse et surtout sur la fatigue.

Cette satanée fatigue, premier effet secondaire ressentie par une grande partie des patients en cancérologie ; dont le mécanisme d’installation est complexe (rôle des apports alimentaires, de la qualité du sommeil, de l’exercice physique, de la santé mentale et bien sûr de la maladie et des traitements).

Ce jeûne, tant décrié, aux propriétés inutiles ou miraculeuses selon les avis tranchés, qui ont tendance à nous compliquer la tâche pour nous construire une opinion et avoir des réponses aux questions de nos patients.es au comptoir  ou au décours de nos entretiens pharmaceutiques.

Notant toutes ces informations sur un journal de bord, les patients ont suivi scrupuleusement le programme demandé pendant 14 jours, c’est-à-dire se nourrir entre 8h et 18h et arrêter toute prise alimentaire en dehors de ce créneau.

Les résultats positifs et significatifs donnent envie d’aller plus loin dans les recherches sur l’impact du jeûne intermittent : meilleure qualité de sommeil, perte de masse et réduction significative de la fatigue ressentie et seulement une insomnie et quelques maux de têtes pour une patiente.

Inutile de dire que la prudence est de mise, étant donné les limites de ce type d’étude, mais néanmoins les faisceaux de preuve en soins de support mettant en avant l’activité physique adaptée, un apport alimentaire sain, une bonne santé mentale, une masse correcte, l’absence de tabagisme et d’alcoolisme démontrent année après année tous les bénéfices attendus en terme de qualité de vie voire d’espérance de vie, alors pourquoi pas le jeûne intermittent avec un suivi médical de qualité ?

D’après un poster MASCC 2022 TORONTO : Kleckner A. et al– PPS#2: Advances in Supportive Care Interventions

 

Gare aux insomnies quand on est âgé, souffrant d’un cancer et en pleine pandémie Covid-19 !

Chez les patients âgés en cancérologie, il est intéressant d’investiguer les différents types de déséquilibre du sommeil; avec un éclairage particulier sur l’impact de la pandémie du COVID19 ; et quelles sont les solutions pour atténuer ces troubles du sommeil. En effet, les perturbations du sommeil et du rythme circadien dépassent largement le cadre de la fatigue induite mais bien plus  l’ensemble des états physiologiques des patients.

Comment définissons-nous les troubles du sommeil ?  Simplement comme une interférence sur le sommeil dit « normal » ; ressentie par 24 à 95% des patients et particulièrement chez  75% des patients en cancer avancé (2 fois plus que la population en général) ; avec une prééminence dans le cancer des poumons ou du sein.

Avec un impact significatif délétère sur la qualité de vie, les fonctions cognitives, les activités sociales et professionnelles, le sentiment de bien-être, et les fonctions neuroendocriniennes et immunitaires et en corollaire une espérance de vie réduite.

Ces troubles se traduisent par une réduction de la durée du sommeil, des minutes de sommeil profond, une augmentation des réveils, une incapacité fonctionnelle lors des journées sans sieste.

Plusieurs catégories de troubles du sommeil :

  • Les insomnies (Difficile de s’endormir, de rester endormi, un réveil très matinal, des somnolences)
  • Les troubles du rythme circadien
  • L’apnée du sommeil
  • Les myoclonies nocturnes et surtout le syndrome des jambes sans repos
  • Les troubles du sommeil paradoxal (mouvements oculaires rapides dits REMs « rapid eye movement sleep ») responsable probablement de la plasticité synaptique liée à la mémorisation, de la récupération des processus oxydatifs, de la créativité
  • Les réveils partiels

Considérant les facteurs de prédisposition (l’âge, la génétique, les désordres psychiatriques, les réveils multiples, les facteurs sociaux et éducationnels) et les facteurs péjoratifs (symptomatologie : la douleur, l’anxiété, les nausées/vomissements, les dyspnées ; les médications :  BZD + /- alcool, les hypnotiques, les corticoïdes, les opioïdes, les diurétiques ; polyuries ; inadaptation à ces changements…),  vont augmenter la fragmentation du sommeil mais aussi un dysfonctionnement des cycles circadiens fonctionnels (foie, intestin, cerveau, rein, poumons) et du système immunitaire.

La pandémie de Covid-19 n’a pas arrangé la situation avec une prévalence mondiale de 36% d’insomnie (19% en France, 33% aux USA) ; les rythmes circadiens ont été perturbés par le stress/anxiété, le confinement à la maison/isolement social, les activités quotidiennes réduites, la baisse d’exposition à la lumière du jour.

En corollaire, le maintien d’une bonne qualité de sommeil/réveil a probablement joué un rôle d’adjuvant naturel à la vaccination Covid-19.

Alors, comment gérer ces déséquilibres du sommeil et atténuer ses effets délétères ? Par un ensemble de mesure simples mais synergiques (prioriser un sommeil de 7-8h par nuit, mettre en place tous les facteurs favorisants : éviter les siestes tardives, maintenir des heures fixes de repas, une consommation limitée d’alcool et de caféine, consommer éventuellement des compléments à base de mélatonine, se lever chaque matin à heure régulière,  un exercice physique quotidien, des exercices de relaxation avant d’aller au lit, un usage raisonné des écrans, une température fraîche de la chambre ; en cas de difficulté d’endormissement au bout de 15-20mn, aller lire dans une autre pièce puis revenir dans la chambre dès que le sommeil s’impose).

Cette relaxation nécessaire et indispensable peut être obtenue par des activités apaisantes ; de nombreuses études ont démontré les bénéfices de certaines  techniques de Yoga : le classique Hatha Yoga (Yoga d’effort ; souffle, postures de tonification du corps, méditation),  et le Yoga régénérant ou « restauratif » (relaxation, respirations conscientes, profondes).

Ces perturbations du sommeil/cycles circadiens chez le patient en cancérologie sont les sources de perte de chance : sévérité, progression, toxicité et des perturbations génétiques démontrées.

Au bénéfice des patients : il est donc fondamental de savoir écouter les patients âgés souffrant de troubles du sommeil et d’engager un dialogue constructif sur ce sujet au comptoir pour étudier ensemble tous les solutions pour rétablir ce rythme source de bien-être.

D’après une conférence MASCC 2022 TORONTO de Prof Sriram Yennu, USA,  Identification of sleep-disturbance in geriatric cancer patients ;  Diwakar Balachandran, USA, Challenges in managing  the effects the covid-19 pandemic of sleep and ciradian rhythm disturbance in geriatric patients with cancer

Médecine de précision et soins de support en cancérologie : passé, présent et surtout le futur

Historiquement centré sur la vision gaussienne du monde de l’analyse statistique, le développement des nouvelles molécules avait une appréciation unique  des patients en fonction de leur réponse à une dose médicamenteuse ; au lieu de reconnaître la grande variabilité interindividuelle en fonction de la réponse et de la susceptibilité  à la toxicité. Ainsi l’objectif est d’identifier les patients à risque pour qui nous devons sélectionner le traitement alliant la meilleure efficacité, la plus faible toxicité et le meilleur rapport coût/efficacité.

L’intensité du traitement, les variables spécifiques du patient et la tumeur représentent les 3 principaux facteurs du risque de toxicité.

L’intensité du traitement : les patients reçoivent trop de dose médicamenteuse ou de radiation, directement ou indirectement, qui donneront logiquement de pauvres résultats.

Comment cela peut-il advenir ?

  • La dose médicamenteuse ou de radiation dépasse le seuil toxique
  • Le patient en déficit métabolique est incapable de métaboliser la substance ; les taux sanguins augmentés provoquent une toxicité
  • Le patient porte une comorbidité qui le prédispose aux toxicités des radiations (i.e. anémie de Fanconi*)

* L’anémie de Fanconi est une maladie autosomique récessive rare. Elle se caractérise par une aplasie médullaire d’apparition progressive, des malformations congénitales et une prédisposition à développer des tumeurs malignes.

Notion importante qu’est la marge thérapeutique, elle n’est que très peu prise en compte :  très rares sont les dosages sanguins de molécules anticancéreuses (à l’officine, seuls les médicaments à faible marge thérapeutique sont dosés : levothyroxine/TSH ou  INR/antivitamines K).

Et pourtant, les variabilités métaboliques des patients vont jouer un rôle central : un métaboliseur lent va plutôt être exposé à des surdosages toxiques alors qu’un métaboliseur ultra-rapide va subir le risque d’un échec thérapeutique.

Nous présumons que le risque de toxicité est dose-dépendante mais

  • Est-ce que ce seuil est le même pour tous les patients ?
  • La dose maximale tolérée est-elle la même pour tous ?
  • Est-ce que ce seuil peut évoluer avec le temps ?
  • Quel est leur impact sur l’index thérapeutique ?
  • Quel impact des comorbidités et interactions médicamenteuses ?

Le réductionnisme actuel (Stephen Sonis cite Descartes en référence) qui tend à tout décrire par petits bouts freine notre capacité à comprendre la complexité des choses dans leur globalité. Le risque est multifactoriel. Et nous avons maintenant les moyens technologiques d’appréhender cette complexité grâce à l’intelligence artificielle doté d’algorithmes puissants.

Le big data de la vraie vie nous fournit les données pour comprendre ces équations à de multiples inconnues. Ces informations évoluent en plus avec le temps.

Prédire génétiquement les neuropathies chimio-induites devient une réalité.

Un bref rappel sur les neuropathies chimio-induites : périphériques, progressives et irréversibles, elles augmentent le risque de chute et détériorent la qualité de vie ; en absence de traitement préventif ou curatif, seule solution qui apparaît :  baisser la dose ( avec diminution de l’efficacité et donc de la survie !)

Les facteurs de risque connus (dose cumulative, antécédents de neuropathie ; poids/âge/nutrition/catégorie raciale) laissent le champ des recherches pour mieux prévenir et anticiper ces effets secondaires.

Afin de mieux comprendre ces variabilités inter-individuelles en analyse pharmacogénomique, reprenons notre courbe de Gauss et essayons ensemble de comprendre les différents groupes de patients :

  • Groupe exposé à l’inefficacité du traitement
    • Sensibilité classique mais baisse d’exposition
    • Exposition classique mais une baisse de sensibilité
  • Groupe exposé à la toxicité du traitement
    • Sensibilité classique mais augmentation d’exposition
    • Exposition classique mais une augmentation de sensibilité

Et cela repose notamment sur une donnée simple à vérifier : le taux sanguin de la molécule et la mesure de l’activité de notre métabolisation via les cytochromes P450 (ex. paclitaxel , cisplatine, bortezomib, vincristine). Bien entendu, cette approche nécessite des  études cliniques complémentaires pour tester en routine l’efficacité de cette méthode de fiabilisation de la balance bénéfice risque sur le long terme et une patientèle dans la vraie vie. Mais, cet effort vaut la peine.

D’après des conférences à la MASCC 2022 TORONTO,
Precision Medicine and Cancer Supportive Care: Past, Present and Future Directions
New Ways of Predicting Cancer Treatment Toxicities: Multi-Omics Approaches Stephen Sonis, DMD, DMSc USA
Genetic Predictors of Chemotherapy Neuropathy: Ready for Prime Time? Daniel L Hertz, PharmD, PhD USA

Gériatrie : brèves

Aides matérielles aux personnes âgées et perte de chance

Une étude nous éclaire sur la prise en charge et les niveaux d’aide aux patients âgés et leurs impacts sur leur santé ; chez les plus de 70 ans, sur 700 patients aux Etats-Unis en leur posant des questions simples : avez-vous une aide si vous êtes confiné au lit ? …pour vous accompagner chez le médecin ?… pour préparer vos repas si cela devient difficile ?…pour assumer les tâches quotidiennes si vous êtes malades ?

73% ont répondu aux 4 questions par l’affirmative, restent 27% qui vont ressentir de grandes difficultés chaque jour, si les conditions le nécessitent : et particulièrement si vous vivez seul.e, si vous êtes une femme.

Evaluer l’intérêt de rajouter des photographies à l’outil INSTAGRAM d’évaluation gériatrique : quelle drôle d’idée pas si bête !

Connues et peaufinées à longueur d’années aux différents congrès ASCO ESMO, les échelles d’évaluation gériatrique sont appréhendées sous une focale atypique à la MSACC 2022 TORONTO : associer l’outil INSTAGRAM au travers de photos bien choisies pour compléter l’appréciation des critères classiques de risque.

Améliorer la prise en charge en détectant les comorbidités, les syndromes gériatriques, améliorer la communication autour cette thématique, et surtout aider à la décision de traitement tout en réduisant le réduisant les risques de toxicité, initier des interventions en soins de support, aider à définir ce qui pour le patient « importe le plus » sont autant d’objectifs assignés à ces outils.

Un exemple d’outil d’évaluation gériatrique :

L’évaluation électronique rapide de la forme physique (eRFA) est un questionnaire développé au Memorial Sloan Kettering (New York) et utilisé par tous les médecins du service de gériatrie pour évaluer et comprendre le niveau de forme physique d’un patient âgé :

https://www.mskcc.org/departments/division-subspecialty-medicine/geriatric/electronic-rapid-fitness-assessment-erfa

Mais, on s’aperçoit que ces outils pourraient être plus riches qualitativement et ainsi nous aider à mieux comprendre le/a patient.e ; en cela l’idée que  la photographie, devenue si facile avec les smartphones, nous permettent de capturer des instants significatifs, dans une étude australienne chez les plus de 70 ans  pour 9 patients

https://photovoice.org/

4 thèmes de photo reflétant

  1. Son identité, sa carrière, son lieu de vie ou de travail
  2. Quelque chose ou quelqu’un d’important à ses yeux
  3. Son lieu de vie
  4. Son outil de transport

Au final, 4 photos, 45 minutes d’entretien, et une analyse thématique basé sur un modèle sociologique (4 cercles : environnement, communauté, interpersonnel, individuel).

Résultat : les patients se sentent reconnus comme une personne à part entière, en tant qu’individu et non un patient lambda, et c’est énorme !!!

Pourquoi s’inspirer de cette drôle d’expérience pour renforcer encore le lien avec nos patients à l’officine, mais aussi que nos équipes hospitalières se l’approprient de façon iconoclaste ? !

Utile cette échelle du regret décisionnel : pourquoi pas à l’aune de la difficulté grandissante des conditions d’exercice des soignants ?

Et ainsi prendre du recul face à nos milliers de petites et grandes décisions que nous prenons quotidiennement dans l’intérêt du patient….

Ressentir des regrets décisionnels implique une émotion négative, de la détresse ou des remords suite à une décision pouvant évoluer en dépression ou burnout.

Les institutions canadiennes ont mis à notre disposition en ligne ces échelles de regret décisionnel   :

https://decisionaid.ohri.ca/francais/meseval_regret.html

https://decisionaid.ohri.ca/francais/docs/echelle_regret_decisionnel.pdf

Il est intéressant d’inclure la compréhension de cette analyse des regrets décisionnels au regard de nouveaux indicateurs de résultats rapportés par les patients que nous voyons émerger depuis récemment et dont vous entendrez parler de plus en plus dans l’analyse de nos pratiques en exercice coordonné avec les autres professionnels de santé en ville et à l’hôpital  : les PROMs et les PREMS ! La HAS a lancé des appels à projets sur ce sujet et les définit comme :

La qualité des soins perçue par les patients comprend trois concepts mesurés par des questionnaires :

  • les Patient-Reported Outcome Measures (PROMs) pour le résultat des soins ;
  • les Patient-Reported Expérience Measures (PREMs) pour l’expérience des soins ;
  • et les questionnaires de satisfaction des patients.

Importantes pour les patients, ces mesures sont utiles aux niveaux individuel et collectif pour améliorer la qualité des soins car elles permettent :

  • aux usagers de participer plus activement à leurs soins, de mieux s’informer, d’avoir une relation plus équilibrée avec les professionnels, et de juger de la qualité des soins par rapport à leurs attentes ;
  • aux professionnels de disposer d’une aide dans leurs pratiques, et d’une évaluation complémentaire pour leurs pratiques ;
  • aux pouvoirs publics de disposer d’un outil supplémentaire pour le pilotage des politiques de santé.

https://www.has-sante.fr/jcms/p_3265869/en/mise-en-oeuvre-d-indicateurs-de-resultat-rapportes-par-les-patients-en-ville-ou-en-etablissement-de-sante-appel-a-projets-termine

L’étude américaine sur 623 patients de plus 70 ans en cancérologie analyse les regrets décisionnels des oncologues à 4-6semaines, 3 mois et 6 mois : 84% l’ont ressenti au moins une fois dont 29% de façon modérée à importante. 1/3 ont ressenti des regrets voire des remords lié à des toxicités.

D’après une conférence MASCC 2022 TORONTO : Factors Associated With Perceived Instrumental Support Among Older Adults Being Treated for Advanced Cancer, Maya Anand, BA, USA

Geriatric Assessment (GA) in the Instagram Era: Adding Photographs to Electronic GA to Enhance Supportive Care of Older Adults With Cancer – A Pilot Christopher Steer, MBBS, FRACP , Australia

Examining Decision Regret and Associated Factors Among Older Adults With Advanced Cancer Receiving Systemic Treatment Marie Flannery, PhD, RN

University of Rochester School of Nursing Geriatric Oncology Research Program University of Rochester Cancer Center NCORP USA

Big data, pédiatrie et toxicité : une balance déséquilibrée ! Pharmacologues et oncologues : une nécessaire prise de conscience

Big data, big band

Inutile de vous détailler les dernières innovations de la big data dans l’analyse et l’aide à la décision médicale ; néanmoins, il est intéressant de noter que l’apprentissage automatique « machine learning » va amener une autre façon d’aborder les mêmes problèmes par exemple sur les calculs de prédictibilité de résultat efficacité/toxicité mais avec un champ de données élargi et sans les biais classiques liés au statisticien-clinicien. Le Décalage temporel dans l’analyse des bases de données « temporal dataset shift » posera un problème qui sera à surmonter. Dont acte.

Essais cliniques en cancérologie : une sous-estimation systématique de la toxicité des nouvelles molécules

En 2010, l’Académie américaine de Médecine donnait clairement le ton pour l’analyse de la balance bénéfice/risque lors des essais cliniques en cancérologie : « le système des essais cliniques est en crise : s’ils ne prouvent pas une efficacité et une efficience, l’introduction sur le marché de nouvelles molécules sera décalée, ce qui coûtera des vies inutilement ».

Le choix était fait : la balance bénéfice/risque penche d’un seul côté afin de privilégier les preuves d’efficacité pour gagner du temps (et des vies ?) mais à quel prix ! Sous-estimation systématique des effets secondaires (quid de la qualité de vie ?) et de la toxicité (quid de la morbi-mortalité, de l’inadaptation de la dose aux caractéristiques des patients,  et des effets délétères à court, moyen et long terme ?) !!!

  • 27% à 85% des effets secondaires des essais ne sont pas rapportés dans la base de données des essais cliniques !
  • 25% à 50% des effets secondaires rapportés sont incorrects !
  • Méthodologie et protocoles de reporting manquent de fiabilité (gradation de la gravité très variable ; manque de standardisation !)
  • Allocation de ressource (temps et moyens financiers vont prioriser les preuves d’efficacité au détriment de l’analyse et de la remontée d’information)

En pédiatrie, cela peut être encore plus compliqué  notamment du fait de la faible verbalisation par les enfants.

Pourtant, les moyens existent (informatique : Big data, machine learning, puissance de calcul, automatisation des remontées d’information en temps réel, méthodologie, pharmacocinétique, pharmacodynamique, pharmaco-génomique….)

Une remise en question profonde du système n’est visiblement pas encore à l’ordre du jour : quand on confond vitesse et précipitation, recherche de la dose toxique et maximale, patient idéal standard et hétérogénéité des patients dans la vraie vie (gériatrie et pédiatrie sont peu représentées dans les études cliniques).

Une nécessaire prise de conscience collective des enjeux

Mettons autour de la table sur ce sujet fondamental de la balance bénéfice/risque les oncologues, les laboratoires, les institutionnels, les pharmacologues ; les pharmaciens hospitaliers et d’officine ont toute la légitimité et la valeur ajoutée pour travailler ensemble, dans la vraie vie des patients soit 99% de leur temps médical.

Ayons une stratégie inclusive de participation croisée des informations du parcours du patient entre les professionnels de second recours et ceux de premier recours avec les nouvelles technologies d’analyse les plus avancées : seule solution pour changer le paradigme de sécurisation du parcours du patient ;  de la recherche permanente pour chaque patient de la juste dose, au bon moment et ainsi cette balance bénéfice/risque reviendra à l’équilibre.

Sortons de la technique de l’autruche pour se donner les moyens capables de conjuguer la meilleure efficacité anticancéreuse avec le moins d’effets délétères possibles.

D’après des conférences MASCC 2022 TORONTO

Big Data for Small People: Leveraging Datasets to Advance Pediatric Supportive Care Jason L Freedman, MD, MSCE, USA, Andrea Orsey USA – Data Drives Answers: Using Electronic Health Records to Improve Supportive Care in Pediatrics Lillian Sung, MD, PhDCanada – Reducing and Monitoring Treatment Related Toxicities in Pediatrics Tamara P. Miller, MD, MSCE – Associations Between Depression, Cognitive Toxicity, and Substance Use in Childhood Cancer Survivors: a Mediation Analysis – New Ways of Predicting Cancer Treatment Toxicities: Multi-Omics Approaches Stephen Sonis, DMD, DMSc USA- Genetic Predictors of Chemotherapy Neuropathy: Ready for Prime Time? Daniel L Hertz, PharmD, PhD  USA