Le rôle du microbiome dans la gestion des effets indésirables : un point sur les avancés – Arielle Elkrief, Alexa Laheij

Le premier sujet concerne le rôle que peut avoir le microbiome dans l’apparition des colites aigües liées à l’usage des immunothérapies (colites immunomédiées). Vaste question pour un effet indésirable très fréquent, sévère, lié à ces nouvelles thérapies. En effet, 90% des patients vont vivre une colite aigüe sous inhibiteurs de CTLA-4 et 70% avec les inhibiteurs de PD1/PD-L1.

Les colites immunomédiées apparaissent dans les premiers mois de traitements. Il s’agit d’un effet indésirable sévère nécessitant la prescription de corticostéroïdes et de biothérapie comme l’inflixumab ou le vedolizumab.

La question que pose Arielle Elkrief est de savoir si le microbiome intestinal peut être un marqueur prédictif du délai d’apparition d’une colite immunomédiées. Les résultats confirment ce rôle en fonction de la richesse du microbiome et de la présence de certains taxons (souches bactériennes). Afin de confirmer ces données dans le cas des colites immunomédiées, une étude a été réalisée pour comparer trois groupes de participants en récupérant des échantillons de selles :

  • Un groupe de patients traités par immunothérapie et qui présente une colite immunomédiée.
  • Un groupe de patients traités par immunothérapie qui ne présente pas de colite.
  • Un échantillon sain non traité pour un cancer.
 
 

Les résultats montrent que la composition des microbiomes est différente entre tous les groupes avec une perte de diversité significative dans le groupe présentant des colites sévères.

La question suivante est de savoir si l’on peut modifier la composition de ce microbiome. Pour cela, ils ont procédé à une transplantation de microbiome fécal par coloscopie. Le temps d’amélioration est compris entre 4 à 7 semaines. Cela peut nécessiter plusieurs transplantations pour obtenir une modification notable du microbiome notamment si dans l’intervalle de temps, le patient a besoin de prendre une antibiothérapie comme ce fut le cas dans l’étude.

Le Dr Alexa Laheij nous a présenté la situation du microbiome dans la sphère buccale. Un microbiome symbiotique joue un rôle essentiel tant dans la composition de la salive que dans la régulation métabolique, la détoxification, la nutrition, la digestion et l’immunité de l’hôte.

Le microbiome buccal est le deuxième microbiome le plus important et le plus diversifié de l’organisme. Il contient environ 770 taxons différents et environ 300 par personne.

Il n’y a aucun lien entre sa composition et la présence de caries dentaires ou bien de parondontites. De même, la composition du microbiome peut varier en termes de taxons tout en conservant les mêmes propriétés. Au sein de la cavité buccale, il existe différentes niches possédant des colonies de taxons propres et qui restent relativement stables pour une même niche.

De nombreux facteurs peuvent faire varier ce microbiome :

  • L’état de santé général (âge, sexe, situation socio-économique)
  • L’hygiène de la sphère buccale
  • Le mode de vie (tabac, régime hyper glucidique)
  • La génétique propre à chacun

A cela, il faut ajouter les facteurs liés à la collecte des échantillons, leur conservation, l’isolement et l’amplification de l’ADN. Comme nous l’avons expliqué, la sphère buccale est loin d’être un environnement uniforme. Il existe de multiples niches qui possèdent des caractéristiques propres en termes de taxons ce qui complique fortement le travail de recherche. Cependant, la langue semble être le lieu de prélèvement le plus stable.

En cancérologie, le risque est de développer des mucites. Pour éviter cet effet secondaire pouvant être très handicapant, l’objectif est de maintenir la diversité et d’éviter l’apparition de pathologies associées à la croissance de certains taxons. Ainsi le microbiome buccal est une cible pour la recherche.

Actuellement, il existe divers moyens pour tenter de modifier le microbiome d’un patient. Cela peut être par transplantation (fécale) sachant que les résultats actuels montrent des bénéfices uniquement sur le court terme. On peut également incorporer certaines bactéries (probiotiques).

Ces probiotiques devront être adaptés à la sphère buccale sachant que quelques études montrent qu’il existe un impact au niveau buccal d’une complémentation par des probiotiques à visée intestinale ce qui laisse penser à l’existence d’un lien entre le microbiome intestinal et buccal. Autre possibilité, l’incorporation de métabolites actifs ou bien encore, modifier ses propres règles hygiéno-diététiques.

 


En pratique pour l’officinal 

Le microbiome est un sujet de recherche très vaste dans lequel des centaines de millions sont investis depuis plusieurs années. On s’en rend compte directement au comptoir de nos officines devant la profusion de compléments alimentaires qui intègrent les pré/probiotiques dans leur formulation.

Et pourtant, on ne cessera de le répéter, tout cela nécessite beaucoup de recul de notre part afin d’apporter un conseil efficace sans crainte d’être dans la sur-promesse. Car une fois de plus cette session nous permet d’entrevoir la complexité de cet écosystème et les difficultés à réaliser une recherche de qualité permettant d’obtenir des résultats interprétables et surtout transposables.

Les probiotiques occupent une place dans les stratégies mises en œuvre. Pour quel résultat ? Cette série de présentation notamment sur le microbiome buccal met l’accent également sur certaines règles hygiéno-diététiques à rappeler aux patients traités pour un cancer. On l’oublie trop souvent mais revenir sur l’hygiène dentaire en utilisant une brosse à dent adaptée, en évitant les bains de bouche agressifs, en rappelant la bonne fréquence et la bonne technique de brossage sont autant d’éléments importants. De même, pour la partie diététique avec un travail important à réaliser au comptoir pour revenir sur les points essentiels d’un régime de saison et équilibré en évitant les travers de nos régimes occidentaux, hyper raffinés, hyperglucidiques à tendance obésogènes.