Une approche européenne du traitement du cancer et des soins de support

Pour une première visite au congrès de l’ESMO à Munich en 2018, c’est une réussite et une satisfaction.

Comparé au congrès de l’ASCO à Chicago qui est une grosse machine marketing aux orateurs principalement américains et centré sur les nouvelles molécules, l’ESMO appréhende la prise en charge du cancer d’une manière plus humaine, pluri-professionnelle sans oublier les innovations.

La qualité et la variété des orateurs en grande majorité européens permet de confronter des modes organisationnels et thérapeutiques ; elle contribue à améliorer la qualité des questions et des échanges en fin de chaque session.

A titre personnel, les thématiques que j’ai souhaité mettre en avant sont :

  • La dermato-oncologie qui se révèle si proche de nos conseils quotidiens
  • L’iatrogénie du sujet âgé en plein dans notre approche des bilans partagés de médication
  • La vie après cancer des adolescents et jeunes adultes en difficulté pour se reconstruire une fertilité, un projet personnel, professionnel

D’autres sujets ont été abordés tels que les notions de dépendance, d’adhérence au traitement, des solutions pour réduire les erreurs pharmaceutiques, et bien sûr de la prévention du cancer.

Je vous souhaite une bonne lecture et j’espère que ces articles vous apporteront des solutions pratiques à l’officine et en lien avec votre réseau de santé de proximité.

 

Adolescents et jeunes adultes après cancer : fertilité et projet de vie

Cette conférence de l’ESMO 2018 concernant les jeunes adultes et les adolescents (AJA) vient à point nommé après un cas similaire vécu cette année à la pharmacie du Rouret.

Aujourd’hui, le cancer touchant les AJA représente chaque année, en Europe, 25 000 décès, 66 000 nouveaux cas  et à l’horizon 2020, 500 000 patients en rémission. 60% d’entre eux vont ressentir des effets secondaires retardés dont 30% sont sévères.

Quelle difficulté à gérer cette guerre déclarée avec sa santé quand on ressent les tourments de l’adolescence et surtout du jeune adulte en quête d’identité propre, de relations sociales et sexuelles, en pleine construction d’un corps sexué mais agressé par la maladie et les traitements anticancéreux !

Une sorte de « twilight zone »  entre deux mondes.

En rémission du cancer, l’AJA va se poser la question centrale de la fertilité, donc de créer une famille, d’avoir des enfants et des projets de vie, en particulier chez ceux qui ont été traités par des agents alkylants.

Il va falloir aussi combattre avec pédagogie des idées reçues qui circulent telle que « le cancer est transmissible ». L’accompagnement post-cancer va s’avérer à la fois délicat mais irremplaçable du fait des soucis psychologiques dès l’annonce et après la rémission : 55% des AJA ont eu des problèmes de vie sexuelle et auraient aimé qu’on leur en parle en amont.

Pour préserver cette fertilité, des techniques existent mais elles se confrontent aux croyances et aux législations en vigueur pour chaque Etat : congélation des ovules, des embryons dans certains pays, de tissus ovariens.

A côté de la fonction de reproduction, d’autres risques à moyen terme persistent en post-CT (chimiothérapie) et RT (radiothérapie) : cardiopathies, hypertension artérielle, hyperlipidémies, hyperinsulinisme, insuffisance cardiaque, faiblesse valvulaire, risque d’infarctus du myocarde  tout au long de leur vie.

La vie sociale est elle aussi complètement chamboulée : 43% des patients AJA en rémission ont changé de projet éducationnel et professionnel (difficile de se concentrer, de lutter contre la fatigue persistante, de ne pas être confronté à des insomnies).

Ils ont rencontré des problèmes intra et extra-familiaux en particulier les jeunes hommes manifestement plus en difficulté avec ce challenge de vie. Seulement 28% ont pu retrouver une activité à plein temps (études ou un emploi)  et ont été confrontés aux complexités administratives d’aide et d’accompagnement socio-financier très bureaucratiques.

Des programmes ont été mis en place dans certains pays comme les Pays-Bas : www.stupidcancer.com.

En pratique pour l’officinal

Ces adolescents et jeunes adultes ont eu une qualité de vie fortement dégradée à un âge charnière de construction d’identité psychique, physique, sociale (divorce) et sexuelle. Face aux risques induits à moyen et long terme, leur hygiène de vie (tabagisme absent ou arrêté, activité physique adaptée, régulière ; nutrition équilibrée faible en mauvais gras) est une arme pour se protéger mais malheureusement ils font peu cet effort : l’accompagnement dans la vraie vie est donc incontournable. Les solutions à ces enjeux viendront des organisations  ville-hôpital et ville-ville bien aidées par des solutions connectées et autres applications ad hoc.

A titre personnel, une patiente de 28 ans ayant eu un traitement de RT pendant 12 mois pour un cancer du col de l’utérus lié à un HPV se retrouvait  en plein abandon thérapeutique, isolement médico-social (son médecin traitant et le gynécologue visités n’ayant répondu que lapidairement à ses questionnements), confusion sur sa fertilité et le retour à sa vie sexuelle pré-cancer.

A la suite de notre entretien, en dehors de l’écoute, des conseils en homéopathie pour calmer son stress, de lui recommander d’enclencher un suivi psychologique, je lui ai indiqué sur la région niçoise un gynécologue compétent et humain pouvant répondre à ses questions et mettre en perspective cette situation transitoire post RT et son projet de vie à moyen terme. Elle a manifestement repris une vie plus en conformité avec ses attentes.

Soyez attentifs aux patients de votre officine, vous serez alors forcément confrontés à des situations délicates pour aider à remettre du lien en ville quand l’hôpital a fait son job; notre rôle de coordination peut prendre toute sa pertinence en donnant rdv au patient en déshérence dans un bureau de confidentialité.

Une conférence ESMO-SIOPE: Multidisciplinary management of life-after-cancer issues in adolescent and young adult survivors: Medicine and beyond

  • Giannis Mountzios (Athens, GR)
  • Daniel Stark (Leeds, GB)
  • Alexander Stein (Hamburg, DE)
  • Fedro A. Peccatori (Milan, IT)
  • Kathrine Rugbjerg (Copenhagen, DK)
  • Pia R. Riis Olsen (Aarhus, DK)

La vie après cancer

La  vie après cancer est un enjeu considérable parce que non seulement les projets de vie du patient ont été mis pour la plupart de côté pendant sa maladie et les traitements mais il a droit à une double peine quand il croit être sorti d’auberge : quand il va s’adresser à une banque, une assurance pour un prêt personnel ou professionnel, il va devoir dans la plupart des pays répondre à un questionnaire de santé l’obligeant à déclarer ses antécédents de maladie cancéreuse. Conséquence : des conditions assurantielles et financières dégradées par rapport au quidam (des primes de risque plus chères, des refus éventuels de prêt,…).

Cela concerne particulièrement les adolescents et les jeunes adultes qui ont décidé d’acheter un bien immobilier ou de créer leur entreprise alors qu’ils sont en rémission et en pleine possession de tous leurs moyens physiques et intellectuels. Cela pose la question de savoir quand est-ce qu’on considère que le patient est guéri ? Quand peut s’exercer le droit à l’oubli ?

Ce dernier est une initiative française saluée par tous les intervenants de la salle « cocorico !!! » et qui instaure des conditions législatives donnant le droit au patient en rémission depuis plus de 5 à 10 ans d’être dédouané de l’obligation de déclarer  sa maladie cancéreuse et donc éviter de subir la double peine post-cancer.

Une conférence ESMO 2018 : Life after cancer

  • Isabelle Lebrocquy (The Hague, NL)
  • Tanja Spanic (Ljubljana, SI)
  • Luigino Dal Maso (Aviano, IT)
  • Agnes Dumas (Villejuif, FR)
  • Isabelle Lebrocquy (The Hague, NL)

Onco-dermatologie : un univers de compétence si proche de notre quotidien

Sous-titre : toxicité dermatologique des traitements anticancéreux : comment les diagnostiquer et les traiter ?

La mucite est une inflammation de la muqueuse digestive (de l’érythème à la nécrose) survenant fréquemment après une CT ou une RT (100% en ORL, plus de 40% pour les tumeurs solides et les atteintes de la moelle). La muqueuse buccale ayant un renouvellement cellulaire élevé est particulièrement concernée.

Les prédispositions sont difficiles à prévoir, mais elles ont un impact significatif sur la perte d’appétit, de poids, donc de qualité de vie et de force vitale et par incidence sur le pronostic vital des patients (malheureusement, ce point est souvent sous-estimé par les patients et les soignants).

Elles génèrent un risque infectieux manifeste (voire de septicémie). Elles apparaissent précocément lors d’une CT (5 ou 8ème jour) et avec retard suite à RT (15 jours,) et peut persister 8 semaines après l’arrêt des traitements.

La toxicité est directe, indirecte et génère un risque de surinfection. Elle peut obliger à un arrêt de traitement toujours préjudiciable. Elle évolue en différentes phases (érythème au début, fibrose au bout de 2-3 semaines et nécrose après 6 semaines.

http://www.omedit-paysdelaloire.fr/files/00/02/42/00024206-60620e59ecc22998f348396959a048a7/mucites-20180320.pdf

Toxicité des thérapies ciblées : elle est liée aux récepteurs cellulaires au niveau épithélial de la muqueuse orale.

Les candidoses opportunistes sont rares ; n’hésitez à faire ouvrir la bouche de vos patients.

Le traitement

Mais dans tous les cas, la conduite à tenir est agressive que cela soit en bain de bouche à base de bicarbonate, avec corticostéroïdes en solution, en recommandant d’utiliser une brosse à dent douce, voire des préparations particulières (glycérine, dexpanthenol, analgésique local), si besoin des bains de bouche morphiniques ou un traitement au laser.

Récemment a été précisé et défini l’érythème toxique sous CT (éruption bulleuse bilatérale symétrique sur des zones de contacts, de frottement et subissant une transpiration excessive : aisselles, aines) alors que les thérapies ciblées créent plutôt une inflammation ciblée sur les zones de pression.

Elles sont traitées par corticostéroïde local de haute puissance (à mettre au frigo pour un effet supérieur), voire celecoxib et antitranspirant, accompagné bien sûr d’une hygiène soigneux.

Les thérapies ciblées anti-PD1 qui ont révolutionnés le traitement des mélanomes métastasés sont capables de créer un rash cutané maculo-papuleux, avec prurit et vitiligo dans 40 à 60% des cas. Dans ce cas, une biopsie cutanée par le dermato-onco peut être nécessaire pour affiner le diagnostic et éliminer la possibilité d’une réaction lichenoïde. Un psoriasis peut advenir aussi. Une dépigmentation de la peau, des cils est attendue car elle est signe d’observance du traitement.

Bien sûr, d’autres toxicités sont possibles : péri ou unguéales (à bien anticiper si possible ; pouvant nécessiter une chirurgie) ; une surinfection au staphylocoque doré (à traiter par un antibiotique adapté par voie orale)

A noter cette application gratuite à télécharger : « side onco skin » très utile :

Side Onco Skin est destinée exclusivement aux professionnels de santé souhaitant se former aux complications dermatologiques des traitements anticancéreux.

L’application Side Onco Skin a été conçue pour accompagner et former les professionnels de santé dans la prise en charge et le conseil des patients souffrant de symptômes dermatologiques liés aux chimiothérapies, thérapies ciblées, immunothérapie ou à la radiothérapie.

“Avec l’application Side Onco Skin, vous pourrez :
– Apprendre à reconnaître les principaux symptômes et identifier les molécules inductrices ;
– Améliorer la prise en charge de vos patients et leur qualité de vie ;
– Tester vos connaissances grâce à de nombreux quiz et cas pratiques ;
– Etre informé régulièrement sur les évolutions des nouveaux traitements et leurs effets indésirables.”

Une conférence ESMO 2018  : Skin toxicity of anticancer treatments: How to diagnose, how to treat

  • Petra C. Feyer (Berlin, DE)
  • Vincent Sibaud (Toulouse, FR)

Comment prévenir le cancer en Europe et dans les différentes populations ?

La méthode pour prévenir le cancer et se donner toutes les chances d’inverser la courbe de progression est de communiquer en amont à toutes les populations et de lutter contre les barrières à l’accès à cette information sans jamais baisser les bras, en s’adaptant aux nouveaux modes communication des jeunes générations, sans avoir avoir peur de rabâcher.

Savoir passer un message simple au plus grand nombre :

Le ligue européenne de lutte contre le cancer (www.europeancancerleagues.org), basée en Belgique, a édicté un message simple  dans toutes les langues européennes un code en 12 points :

Lien direct : https://www.europeancancerleagues.org/wp-content/uploads/2018/01/ecac_FR.pdf

Lutter contre les lobbyings solidement implantés :

Les axes clés sont bien sûr la lutte contre le tabagisme, la consommation d’alcool, contre le surpoids et l’obésité survenant par insuffisance d’activité physique et de déséquilibre alimentaire (sucre, matières grasses, sel et viande), l’exposition au soleil, aux substances cancérigènes, au radon, mais aussi les programmes de vaccination (anticancéreuse) et de dépistage, et enfin elle promeut l’allaitement et déconseille les THS.

Cette campagne vise tout le monde mais particulièrement les enfants et les femmes.

Elle a l’art de la simplicité et de l’universalité, toutes qualités requises pour être efficace.

Sauf qu’un vrai adversaire existe qui n’a aucun intérêt à laisser passer ce type de message de protection de la santé : ce sont les industries du tabac, de l’alcool et de la « malbouffe » : toute cette chaîne de transformation des produits de l’agro-alimentaire qui a influencé des modifications profondes de nos mode de consommation avec toujours plus de sucre, de sel, et de mauvaises graisses.

Salt Sugar Fat: How the Food Giants Hooked Us Paperback – February 18, 2014 par Michael Moss (Author)

Sucre, sel et matières grasses : Comment les industriels nous rendent accros – 10 septembre 2014

de Michael Moss (Auteur)

Michael Moss, journaliste ayant été primé par le Prix prestigieux Pulitzer, a constaté que chaque jour, un américain consomme en moyenne 8,5 mg de sel, le double de la dose recommandée. Les addictions au sucre, au sel et aux mauvaises graisses ont été mises en place solidement au sein des populations grâce à des  moyens et forces de lobbying considérables, à l’instar de ce qui a été fait par l’industrie du tabac ou de l’alcool.

Mettre en place des plans de vaccination anti-cancer efficaces : exemple concret de la vaccination anti-HPV chez les filles et les garçons

L’infection au virus de papillome humain est la plus fréquente des MST ; 80% de la population est touchée, avec une primo-infection entre 15 et 24 ans. Elle est à risque potentiellement cancérigène notamment génital, anal et oro-pharyngé. La vaccination des filles voire des garçons dans certains pays (Australie) est recommandée avant 15 ans.

En pratique pour l’officinal et son réseau de soins en ville :

L’approche pédagogique sur le volet « prévention du parcours de soins des patients » et en particulier des jeunes ne peut se concevoir et s’articuler que sur la base d’un discours pédagogique, cohérent et direct avec les parents et les enfants, axé sur l’importance considérable de l’activité physique, de la qualité du sommeil et de la nutrition. On peut concevoir la vie comme un très long marathon, semé d’épreuves et d’embûches qui peuvent s’anticiper pour une partie. Utiliser les outils mis à votre disposition, organisez des temps d’échanges avec les patients et vos professionnels de  santé de proximité.

Une conférence ESMO 2018   : Cancer prevention and early detection from a nursing perspective

  • Harald Titzer (Vienna, AT)
  • Wendy Yared (Brussels, BE)
  • Alejandra Castanon (London, GB)
  • Daniel Kelly (Cardiff, GB)
  • Arja Leppänen (Stockholm, SE)

La sécurité du patient : un challenge à enjeu en cancérologie pour éviter les erreurs

L’erreur existe dans toutes les disciplines mais elle peut être mortelle dans nos métiers de la santé : en pharmacie hospitalière, sont préparées des solutions de perfusion à base de vincristine à injecter par voie intrathécale.

Les erreurs sur CT sont entre 1 et 3% des préparations et on a quantifié à 1,73% celles qui n’étaient pas interceptées avant administration au patient ; l’erreur étant significative quand la différence entre la dose administrée et celle prévue est > 10%.

Bien sûr, certains paramètres augmentent ce risque tel le calcul complexe de dose à administrer en fonction de la surface du corps.

Eviter ce type de dysfonctionnements relève de la gageure sauf s’il on accepte de revoir complètement notre mode de pensée et organisationnel pour identifier les barrières et les freins à la quête de l’excellence pour la pleine sécurité du patient. Ainsi nous pourrons réduire le nombre d’effets indésirables qui étaient évitables (34% des patients sous CT ont subi un EI dont 16% étaient évitables).

Quelle est la formule magique pour éviter cela ? Comment franchir ce plafond de verre ?

Travailler dur, rester concentré, systématiser le double-contrôle, multiplier les étiquettes de traçabilité pour s’assurer du respect des procédures mais cela ne suffit pas puisque c’est déjà fait.

Prérequis : accepter individuellement (en particulier, les managers, les responsables d’équipe) et collectivement de changer de culture, de revoir l’environnement et avoir en tête que le diable se cache dans les détails.

1ère phase : mettre en place un monitoring de chaque préparation ; mais c’est déjà en place le plus souvent

2ème  phase : la solution retenue a été d’arrêter de préparer des seringues de vincristine et les remplacer par des poches à perfusion, plus lisibles, aux marquages plus visibles mais aussi accepter de diminuer tous les parasites organisationnels à la concentration des préparateurs : diminuer les interruptions, les distractions, le bruit, adapter la juste lumière.

3ème phase : un aggiornamento de nos métiers : accepter de travailler en refondant complétement le fonctionnement de l’équipe sur des valeurs de bienveillance, de solidarité, d’humilité, d’absence de critique ou de rupture de soutien aux autres ; en 3 mots, instiller un vrai esprit d’équipe, valorisant et libérant la parole de chacun et en particulier les manipulateurs, les effecteurs confrontés quotidiennement à ces tâches répétitives. Chaque remarque venant du terrain doit être écoutée, prise au sérieux, testée pour éviter les frustrations à répétition.

L’arrivée des thérapies orales anti-cancéreuses : une opportunité ou un risque ?

25 à 30% des anticancéreux seront administrés par voie orale ; or 57% des patients pensent que la CT orale est moins toxique que la parentérale et qu’elle offre une meilleure qualité de vie et une plus grande facilité d’administration. Soyons conscients voire extrêmement vigilants sur le fait que cela pose un vrai problème d’observance (l’adhérence aux CT orales se situe entre 50 et 90% !!!!).

 

Pour bien le comprendre, il faut intégrer la complexité du mécanisme d’adhérence aux traitements ; un modèle sous 5 dimensions de l’OMS résume cette approche :

http://www.who.int/chp/knowledge/publications/adherence_full_report.pdf

Et seuls un accompagnement pluriprofessionnel par des professionnels de santé qualifiés (en éducation thérapeutique et entretien motivationnel) et un suivi par monitoring ont prouvé des améliorations de l’observance générale des patients.

 

Regard sur le rôle de l’infirmière

L’infirmière est la professionnelle de santé qui est la plus proche du patient sous traitement anticancéreux ; ses contacts sont multipliés ; elle écoute le patient, l’accompagne, lui apporte énormément d’informations sur son parcours de soins.

 

Or, l’adhérence est faible :

  • Chez les plus jeunes et les plus âgés,
  • en cas de dépression,
  • de paupérisation,
  • de toxicité augmentée,
  • des croyances,
  • si la relation avec les soignants est faible
  • si l’engagement du patient dans son parcours de soins est faible

 

L’adhérence est bonne :

  • quand elle est protocolisée et suivie
  • quand l’équipe est focalisée sur celle-ci
  • quand l’on mène des entretiens d’évaluation et de compréhension des traitements : de vrais entretiens motivationnels
  • quand l’on est capable, chacun, de détecter les signes avant-coureurs d’une dépression et de la soigner
  • en étant pro-actif après deux cycles de CT
  • quand nous établissons un plan de posologie clair (prises, avant/pendant/hors repas)
  • en étant réactif pour gérer efficacement les effets secondaires, même les plus anodins au premier abord telle une diarrhée qui s’installe et qui dégrade la qualité de vie au long cours
  • en utilisant des outils simples : ex. feu vert/feu rouge

 

En pratique pour l’officinal et son réseau de soins en ville :

Cette approche managériale et d’esprit d’équipe est le facteur-clé du succès à l’officine pour réduire drastiquement le risque d’erreur à l’officine ; et ainsi promouvoir un cercle vertueux d’amélioration permanente de nos qualités en interne et en externe, ainsi nous permettre de se mettre en ordre de bataille pour mener à bien cette lutte contre l’inobservance non pas contre le patient, mais avec celui-ci.

 

Une conférence ESMO 2018   : Patient safety

  • Cristina Lacerda (London, GB)
  • David Schwappach (Bern, CH)
  • Janice Richmond (Letterkenny, IE)
  • Laura Iacorossi (Rome, IT)
  • Catherine Oakley (London, GB)
  • Daniel Kelly (Cardiff, GB)
  • Elisabeth Karlsson (Umea, SE)

Soins centrés sur le patient et concept de dépendance

La notion de dépendance relève des champs de la sociologie, de la philosophie et du féminisme. Elle est constitutive de notre statut dans la société et relève de la fragilité inhérente à chacun d’entre nous.

Elle peut être vécue sous son aspect négatif ou positif, peut créer des souffrances quand le corps l’impose (fatigue, douleurs au long cours, en fin de vie) mais peut être conçue comme une opportunité de se recentrer sur l’essentiel, sur l’objectif principal du patient.

Ce sentiment de dépendance peut parfois être intolérable pour le patient et l’amener à refuser tous les traitements et ainsi se laisser mourir (« libéré de ses chaînes »).

Toute l’ampleur de la tâche des infirmières de soins palliatifs et d’accompagnement va être de remobiliser le patient, de lever ses freins à faire appel aux autres, à accepter avec lucidité son état de santé tout en se concentrant sur un objectif immédiat.

Mais aussi de se protéger elles-mêmes en trouvant la juste distance (empathie) car le risque de burn-out, d’épuisement, guette notamment en cas de refus thérapeutique du patient qui peut être ressenti comme un constat d’échec par les soignants.

Chaque détail de la relation avec le patient va avoir son importance : un simple regard bienveillant, un sourire, une attention ; la dépendance est un échange réciproque, c’est accepter de donner et de  recevoir. En soins palliatifs, la priorité va être de maintenir leur dignité d’être humain.

Ainsi transcender la fonction de soignant va aider le patient à surmonter ses peurs, et à mettre en perspective ses propres priorités au-delà de ses sentiments d’injustice et du « pourquoi moi ? »

En pratique pour l’officinal et son réseau de soins en ville :

Nous sommes confrontés à l’officine régulièrement à ces situations délicates ; il est bon d’y réfléchir, de s’y préparer pour trouver en nous le comportement juste.

Une conférence ESMO 2018 : Patient-centered care and self-management

  • Michela Piredda (Rome, IT)

 

Patients âgés : comment gérer la balance efficacité/toxicité ?

D’abord un constat : une grande majorité des études cliniques sur les traitements anticancéreux sont faites sur des cohortes de sujets jeunes. Alors que la population de sujets âgés traités augmente d’année en année, et qu’elle est beaucoup plus exposée aux effets secondaires. Nous manquons foncièrement de données cliniques afin de prévenir et d’anticiper cette iatrogénie.

Ce sujet est central dans l’approche actuelle thérapeutique actuelle dont l’objectif permanent est d’améliorer notre connaissance de la balance entre l’efficacité et la toxicité du traitement sur chaque patient afin de prendre la meilleure décision thérapeutique.

Il requiert d’aborder le sujet âgé en prenant en compte ses spécificités :

  • Pharmacocinétique
  • Pharmacodynamique

Car contrairement au patient jeune qui représente une cohorte relativement homogène, la population âgée est très hétérogène (que de différence entre le papi sur son fauteuil roulant vivant en EPHAD et la mamie indépendante effectuant 1h de marche nordique 5 fois par semaine !).

A cela s’ajoutent les risques de :

  • Comorbidités
  • Dépression
  • Difficultés cognitives
  • Nutrition déséquilibrée
  • Chutes
  • Poly-médication

Un bilan prétraitement s’impose bien sûr.

Un outil gratuit est mis à disposition sur le web pour prédire la toxicité des CT par le CARG « Cancer and Aging Research Group » en se basant sur les données du patient, ses chutes, ses médicaments, son état de santé, sa fonction rénale (clairance de la créatinine ; la créatinine sérique n’a que peu d’intérêt) ; il en résulte un score qui s’il est élevé prédit un haut risque de toxicité.

http://www.mycarg.org/Chemo_Toxicity_Calculator

Les barrières à l’adhérence au traitement anticancéreux sont :

  • Le patient lui-même
  • son état de santé
  • les thérapeutiques
  • la maladie
  • ses facteurs sociaux

De plus en plus nous allons utiliser des outils connectés et autres applications pour manager le patient âgé dans le cadre d’une structure de soins multidisciplinaire ville-ville et ville-hôpital.

La toxicité va dépendre :

  • des thérapeutiques :
    • cardio-toxicité des anthracyclines sur un terrain cardiovasculaire déjà fragile
    • risque ostéonécrose de la mâchoire lors de soins dentaires chez les patients sous biphosphonate
    • nausées/vomissements (mais souvent 4 médicaments pour gérer un effet secondaire !!!)
    • insuffisance rénale moyenne à grave par néphrotoxicité sur un terrain déjà fragile (mesurer régulièrement la filtration glomérulaire MDRD
    • vérifier son état d’hydratation
    • et limiter les molécules néphrotoxiques y compris en auto-médication ex. ibuprofène
    • neurotoxicité de cisplatine, d’oxaliplatine entrainant un risque de chute, de difficultés quotidiennes pour manger ou s’habiller ; des exercices précis de coordination, d’équilibration avec les mains et les pieds sont bénéfiques
    • neutropénie fébrile : attention aux patients HIV, avec une maladie auto-immune ; le G CSF est recommandé pour les patients sous folfox ou folfiri
  • Des techniques d’administration : risque d’extravasation très douloureuse
  • Fragilité  physiologique : hypocalcémie et fragilité osseuse à prévenir par calcium + vitamine D + exercice physique
  • Polymédication : un ex. d’un patient ayant 18 médicaments avec une probabilité élevée d’interactions métaboliques au niveau des cytochromes (3A4 et 2C9 principalement)

Chez les patients âgés, l’oncologue va régulièrement être amené à modifier dans le temps les doses, les durées de perfusion, les durées inter-cures en fonction de l’évolution de la balance efficacité/toxicité.

Avec l’avènement de l’usage des thérapies ciblées chez le patient âgé, la base de données des études cliniques Medline référence  des milliers de réponse (plus de 17 000 !) mais la réalité est plus parcellaire : on manque d’informations car les patients âgés vont rentrer en partie (parfois plus de 50%) dans les  critères d’exclusion de l’étude.

En pratique pour l’officinal et son réseau de soins en ville :

Cette démarche préventive de l’iatrogénie chez le sujet âgé est au cœur de notre changement actuel de paradigme et de ressources allouées au virage ambulatoire dans nos zones géographiques.

Cela se fera au travers des nouvelles missions centrées sur le parcours patient : bilan partagé de médication, entretien AVK, diabète, asthme, oncologie en intra-officine ; participation au suivi des cas complexes dans le cadre des maisons, pôle de santé ou communauté professionnelle territoriale de santé (CPTS) ; continuité de soins, lutte contre la perte d’autonomie à domicile.

Les compétences, les organisations et les ressources devront se tourner vers ces activités de service auprès du patient en collaboration étroite ville-ville et ville-hôpital et aidé des outils connectés, dossiers médicaux partagés et autres applications… A suivre en 2019 et 2020.

Une conférence ESMO 2018 : Optimal antineoplastic therapy and supportive care of elderly cancer patients

  • Jorn Herrstedt (Roskilde, DK)
  • Stein Kaasa (Oslo, NO)
  • Karin Jordan (Heidelberg, DE)
  • Jorn Herrstedt (Roskilde, DK)
  • Matti S. Aapro (Genolier, CH)

 

 

 

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